Malgré leur indéniable succès, et leur attractivité croissante, les CPGE font depuis une quinzaine d’années l’objet d’une remise en cause qui oblige à se poser la question de leur avenir dans le système éducatif français. Plusieurs problèmes sont à considérer pour comprendre le sens du débat...

Quel avenir pour les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ?

Publiée le 08 février 2023 dans la catégorie Scolarité et orientations

Un article de Bruno MAGLIULO.


A l’origine du système moderne d’enseignement supérieur français, on a fait le choix d’un système « dual » avec un ensemble de formations non sélectives, universitaires pour la plupart, destinées au plus grand nombre d’étudiants, et un ensemble de formations sélectives, parmi lesquelles les classes préparatoires aux grandes écoles (…). Concernant ces dernières, dès leur naissance, il fut décidé de les implanter dans des lycées plutôt qu’à l’université. Ce furent d‘abord ce qu’il fut convenu d ‘appeler « les grands lycées » des centres des grandes villes, d’origine napoléonienne, puis, par souci de démocratisation, un peu partout en France. Elles accueillent des effectifs d’étudiants réduits (entre 20 et 35 élèves par classe), triés par une procédure de sélection sur dossier assez sévère, formés par une sorte d’élite du corps enseignant du second degré, dispensant des enseignements très denses et exigeants, faisant bénéficier leurs élèves d’un encadrement sur mesure, mais aussi d’un esprit de stimulation qui n’a guère d’équivalent parmi les autres filières d’enseignement supérieur. Ajoutons qu’elles sont porteuses de promesses de débouchés importants et de rémunérations qui sont parmi les plus élevées. Il est donc logique que les CPGE soient si fortement demandées par les familles des élèves des classes terminales : en 2018, elles ont accueilli un peu moins de 7 % des bacheliers, choisis parmi plus de 43000 candidats

Malgré leur indéniable succès, et leur attractivité croissante, les CPGE font depuis une quinzaine d’années l’objet d’une remise en cause qui oblige à se poser la question de leur avenir dans le système éducatif français. Plusieurs problèmes sont à considérer pour comprendre le sens du débat.


1. La nécessaire prise en compte de l’architecture internationale des études supérieures :

Depuis la mise en place, au début du XXIe siècle, d’une architecture commune des études supérieures de l’ensemble des pays membre de l’Union européenne, et de bien d’autres nations, les classes préparatoires françaises sont en porte à faux. En effet, la mise en place du système « LMD » (licence/master/doctorat) positionne les premiers cycles d’études supérieures au niveau bac + 3 (donc bac + 3 + 2 pour l’accès au grade de master), alors que nos CPGE sont à bac + 2 (bac + 2 + 3 pour le niveau master). Le déroulé des études débutant par le cycle CPGE est donc antinomique de la nouvelle architecture internationale études supérieures et pose un indéniable problème de visibilité et de reconnaissance au-delà de nos frontières nationales. De plus, comme chacun sait, le cursus « CPGE » n’est pas diplômant (aucun diplôme officiel n’est délivré à leur issue), ce qui ajoute au problème de la reconnaissance internationale d’un tel cursus. C’est pourquoi certains proposent de faire passer la durée des études en CPGE à trois années, et donc de réduire celle dispensée en deuxième cycle dans les grandes écoles à deux ans au lieu de trois.


2. L’émergence progressive d’autres voies d’accès aux grandes écoles :

Jusqu’aux années 1950, les CPGE eurent le quasi-monopole de l’accès aux grandes écoles françaises. Par la suite, d’autres voies d’accès se sont mises en place, venant de plus en plus concurrencer les classes préparatoires. C’est ce qu’il est convenu de nommer « admissions parallèles » (post BTS, DUT, bachelor, licence…). Elles constituent indéniablement une voie qui incite un nombre croissant d’étudiants à se détourner des CPGE. De plus, de longue date, nombre de grandes écoles fonctionnent selon le principe d’un premier cycle « intégré », et donc recrutent leurs étudiants « dans la foulée du baccalauréat », pour des programme de type master en cinq ans, donc sans passer par une CPGE. Il en résulte une forte baisse de la part des étudiants qui intègrent une grande école en passant par une classe préparatoire : 64% en 1960, 40% en 2018.


3. Le reproche d’une formation trop purement scolaire :

Il est parfois reproché aux CPGE de ne pas être suffisamment en phase avec les formations qui attendent leurs élèves lorsqu’ils seront entrés dans une grande école, et plus encore, lorsqu’ils auront à exercer les métiers auxquels ils se préparent. La critique porte notamment sur le choix d’un recrutement principalement fondé sur les acquis scolaires, et sur des enseignements principalement généraux, ne permettant guère de doter les étudiants d’une culture pré professionnelle dont ils auraient pourtant grand besoin.


4. La demande d’un nombre croissant d’universitaires de voir les CPGE intégrer les universités :

Les universités revendiquent l’intégration des CPGE en leur sein. Se fondant sur les trois points qui précèdent, leurs responsables sont de plus en plus nombreux à considérer que les CPGE devraient relever de l’enseignement supérieur (et donc être intégrées dans les universités) et non de l’enseignement secondaire (donc être retirées des lycées). De fait, un nombre encore modeste mais croissant d'universités ont créé des « CPUGE » (classes préparatoires universitaires aux grandes écoles), généralement adossées à des parcours licence, et donc offrant à leurs étudiants un double parcours fort attractif. Sur ce point précis, la position des organisations patronales est claire : elles ne font guère confiance aux universités pour se substituer aux lycées sur ce secteur de formation. « Pourquoi casser un système qui donne satisfaction ?» est un propos fréquemment entendu. Par contre, l’idée que se développe en université un réseau de CPUGE rencontre un écho croissant. Il semble donc qu’on s’inscrive dans une logique de complémentarité.

Notre sentiment est que les CPGE ont encore de beaux jours devant elles, mais à la condition de ne pas faire l’impasse sur les questions que nous venons d’évoquer. Il semble temps que s’ouvre une réflexion visant à préparer la nécessaire rénovation des classes préparatoires. C’est à nos yeux le prix à payer si on veut qu’elles perdurent sous leur forme actuelle.


Bruno MAGLIULO
Inspecteur d’académie honoraire
Auteur, aux éditions FABERT (www.fabert.com) de : "Les grandes écoles : une fabrique des élites, mode d’emploi pour y accéder)"
 

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