En France, comme dans de nombreux pays comparables, le système éducatif a profondément évolué au cours des 50 dernières années : généralisation de l’entrée en sixième dès le début des années soixante, extension de l’accès en second cycle à partir des années 1985 et objectif de 80 % d’une classe d’âge au ni […]

Le point de vue de Gabriel Langouët : Tronc commun et élitisme républicain (Septembre 2009)

Publiée le 01 novembre 2009 dans la catégorie Archives


En France, comme dans de nombreux pays comparables, le système éducatif a profondément évolué au cours des 50 dernières années : généralisation de l’entrée en sixième dès le début des années soixante, extension de l’accès en second cycle à partir des années 1985 et objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat au début des années 2000). A-t-on, pour autant, comme nombre d’autres pays modernes, mis en place une véritable « école moyenne », faisant suite pour tous, de façon profondément égalitaire, à notre école primaire (maternelle puis élémentaire), et préparant l’accès aux voies diverses du second cycle du second degré ? Rien n’est moins sûr.

Nous partions, au début des années 1960, d’une situation très inégalitaire, bien décrite par Christian Baudelot et Roger Establet (1) . Deux réseaux aux cloisons étanches : le primaire d’une part, avec ses prolongements professionnels mais aussi son extension partielle en ce qui concerne l’enseignement général, avec l’enseignement primaire supérieur d’abord (EPS), puis les cours complémentaires (CC), qui deviendront collèges d’enseignement général (CEG)  ; le secondaire - supérieur (lycée de la 6e à la terminale, puis université), avec, de surcroît, ses propres classes élémentaires. Rappelons encore que, jusqu’en 1962, l’admission en sixième s’effectuait sur concours, mais avec deux concours distincts, l’un pour le collège, l’autre pour le lycée : au total, en 1962, un jeune sur 2 entrait en sixième.

1963 marque la création et la généralisation des collèges d’enseignement secondaire (CES), mais avec, à l’intérieur de chaque établissement, des filières nettement séparées, avec des professeurs de formations différentes : I - Classique (latin ou grec – environ 25 % des élèves) et Moderne long (deux langues vivantes – 25 %), CAPES ou agrégation ; II – Moderne court (une langue vivante – 25 %), professeurs d’enseignement général de collège (PEGC) ; III – Transition (25 %), instituteurs spécialisés. Mais, au-delà des filières, qu’y a-t-il de commun, dans une ville moyenne, entre le CES d’en haut, dont la majorité des élèves habite les maisons de ville ou les villas et autres résidences en copropriété, et celui d’en bas, fréquenté par les nouveaux arrivants, le plus souvent colocataires des HLM et autres immeubles récemment construits ; plus encore, qu’y a-t-il de commun entre le CES issu d’un premier cycle d’un lycée de centre ville renommé, fréquenté par les jeunes du quartier et généralement de faible capacité (souvent 600, voire moins) et celui qui a été construit à la hâte, et à la périphérie, pour accueillir, souvent en très grand nombre (900 voire 1200), les jeunes habitants, souvent de nationalités très diverses, des tours et des barres.

Notre « collège unique », intégrant notamment la suppression de filières, n'a vu le jour qu'en 1975, après de nombreux et vifs débats. Unique certes, mais aucunement unifié : ni au sein des établissements où la sélection perdure à travers le choix des options (le choix des langues par exemple), ni entre les établissements, dont la disparité reflète voire accentue la diversité géographique et sociale, les meilleurs élèves des collèges « difficiles » utilisant toutes les stratégies envisageables pour fuir ces établissements (dérogations ou passage dans le privé). Après tergiversations, ce collège a été doté d'un corps de professeurs monovalents, identique à celui des lycées d'enseignement général (CAPES ou agrégation) : en fait, il s'agit davantage d'un « petit lycée » d'enseignement général, tenté de privilégier les futures orientations vers les voies générales longues au détriment des autres, que d'un véritable tronc commun ou d'une « école moyenne ». C'est en cela qu'il continue, très probablement; de favoriser un certain élitisme, fût-il républicain.

Notre système éducatif connaît des difficultés : j'ai moi-même montré qu'il stagne pratiquement depuis 1995 (2) ; autrement dit, de fait, il régresse par rapport aux systèmes qui continuent de progresser. Le collège aussi, en amont et en aval. En premier lieu, et il ne peut en être tenu responsable, il accueille beaucoup d'élèves peu aptes, à l’issue de l’école élémentaire, à recevoir les enseignements qu'il propose : selon les enquêtes nationales du Ministère (DEPP-MEN), 15 % présentent des lacunes sévères et 40 % des difficultés au moins partielles ; c'est dire les pourcentages qu'on observe dans les secteurs « difficiles ». En second lieu, et là, il est au coeur du sujet, les enquêtes internationales conduites auprès de jeunes de 15 ans  (3)  (c'est l'âge « normal » de fin de scolarisation au collège) montrent que la place de la France n'est qu'au mieux moyenne, et moins bonne en ce qui concerne l'acquisition des compétences qu'elle ne l'est vis-à-vis de la simple restitution des connaissances ; et parmi les pays comparables, la Finlande par exemple, ceux qui la précèdent nettement sont ceux qui ont mis en place une « école moyenne » et un véritable « tronc commun ».

Christian Baudelot et Roger Establet viennent de publier un livre riche, précis et décapant à la fois (4). Il faut absolument le lire si l’on veut comprendre le profond malaise de notre système éducatif : d’abord, il montre avac brio (et prudence) que les comparaisons internationales sont valides, et corroborent nos évaluations nationales ; et il établit que c’est bien notre propension à l’élitisme qui engendre les éliminations précoces et la reproduction des inégalités. Bref, il suggère un chemin que nous ne pouvons qu’encourager. Et, peut-être est-ce aussi l’occasion de lire pour les plus jeunes, ou de “revisiter” pour les autres, l’ouvrage fondamental qui les a fait connaître voilà bientôt 40 ans. Enfin, chers lecteurs, permettez-moi de vous le rappeler, votre point de vue m’intéresse.

Gabriel LANGOUET

 (1) L’école capitaliste en France, Maspero, 1971
 (2) Cinquante ans d’école. Et demain ? Fabert, 2008
 (3) OCDE, Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), Enquêtes 2000, 2003 et 2006
 (4) L’élitisme républicain, L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, La République des Idées - Seuil, 2009

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