En France, la carte scolaire a été créée en 1963, dans le cadre de la réforme Fontanet, le Ministre de l’éducation nationale de l’époque. Elle désigne tout d’abord la liste des établissements scolaires de la zone géographique considérée : les écoles primaires au niveau des communes ; les  […]

Le point de vue de Gabriel Langouët : La carte scolaire aujourd'hui (Novembre 2009)

Publiée le 02 janvier 2010 dans la catégorie Archives

 

En France, la carte scolaire a été créée en 1963, dans le cadre de la réforme Fontanet, le Ministre de l’éducation nationale de l’époque. Elle désigne tout d’abord la liste des établissements scolaires de la zone géographique considérée : les écoles primaires au niveau des communes ; les collèges au niveau d’un département ; les lycées au niveau national. Mais elle définit aussi le découpage précis de l’habitat correspondant à l’affectation des élèves qui y résident dans tel établissement : la sectorisation. Cette sectorisation est placée sous la responsabilité des communes (le Maire et son conseil municipal) en ce qui concerne les écoles primaires (maternelles et élémentaires), sous celle du département (Conseil général) pour les collèges et est restée sous celle du Ministère de l’Education nationale pour les lycées, malgré la décentralisation.
Elle est née au cours d’une période marquée par un double bouleversement, à la fois scolaire et social : « explosion scolaire » des années 1960 avec, notamment, un développement sans précédent des collèges, puis, une vingtaine d’années plus tard, des lycées ; forte urbanisation des villes, liée au développement du secteur industriel et du secteur tertiaire et entraînant une désertification rurale importante mais aussi l’utilisation massive d’une main d’œuvre d’origine étrangère à des travailleurs d’origine étrangère et la mise en place de logements sociaux souvent implantés à la hâte et de façon anachronique : cités-dortoirs, tours et barres, etc. Il est clair que, dans les zones géographiques fortement urbanisées, notamment autour de la capitale ou des grandes capitales régionales, la carte scolaire et la carte sociale se superposent quasi exactement, d’autant plus que le logement social s’est essentiellement développé dans les villes déjà plus populaires et que les villes plus bourgeoises se sont gardées  de construire du logement social selon les normes de la loi, payant pour s’exonérer de son application. A l’inverse, les collèges proposés correspondaient à des types et des capacités d’accueil précisément définis (le collège type « Pailleron » de sinistre mémoire – dans le 19e, à Paris, il a brûlé et entraîné de nombreuses victimes – pouvait être livré pour 600, 900 ou 1200 élèves) : les petites structures ont été généralement retenues pour les populations « d’en haut » ou les zones pavillonnaires, les grosses pour celles « d’en bas », des tours ou des barres.
Mise en place dans un cadre politique fortement centralisé, la carte scolaire se voulait ouvertement un outil de planification de la scolarisation des jeunes. Ce n’est donc pas un hasard si l’un des premiers rapports concernant la carte scolaire, et écrit par Lucie Tanguy,  portait ce titre : La carte scolaire, instrument d’une politique d’Etat. Il montrait en quoi cette carte était sociale et mettait en évidence des inégalités très fortes entre des établissements ayant théoriquement les mêmes fonctions d’enseignement.
Le débat sur cette carte perdure depuis les années soixante et ressurgit notamment à chaque campagne présidentielle. Cela fut encore le cas en 2007 avec l’un des candidats principaux qui prônait sa suppression et l’autre son assouplissement. Voici ce que j’écrivais à ce propos dans un livre paru peu après (LANGOUET, G., 50 ans d’école. Et demain ? Paris, Fabert, 2008) :
    La carte scolaire fait à nouveau l’objet de débats. Elle en fait depuis sa création, et continuera vraisemblablement d’en faire, même et peut-être davantage si elle est aménagée ou supprimée. Elle est injuste, parce qu’elle recouvre une autre carte, celle des inégalités sociales et de la répartition des logements sociaux en France : à certaines communes ou à certains quartiers, les tours ou les « barres » et les collèges ou lycées aux effectifs démesurés et aux constructions sommaires, à d’autres communes, les dérogations quant à la loi nationale sur l’obligation de construction de logements sociaux et des collèges ou lycées de taille humaine. C’est à cette injustice qu’il faut s’attaquer d’abord, car c’est elle qui explique les demandes de dérogation, et les stratégies subtiles que mobilisent ces demandes, qui sont d’autant plus facilement satisfaites qu’elles sont habiles et formulées par des stratèges avertis : options rares, fausses adresses, etc. Des expériences ont été tentées et ont fait l’objet de recherches, par exemple la possibilité de choix entre plusieurs établissements de relative proximité ; elles montrent toutes un accroissement des inégalités conduisant à la « ghettoïsation » accrue des collèges ou lycées les plus sensibles. Le remède apparent est pire que le mal et c’est au fond que ce problème doit être traité. En l’attente, la seule solution repose sur l’aménagement décent des établissements en difficulté, la création chaque fois que possible de structures de taille plus humaine et l’attribution de moyens d’encadrement accrus. Op. cité, p. 170-171.
Plus que d’autres, certaines périodes ont aidé à la réduction des inégalités dans les quartiers et les territoires les plus difficiles, par exemple durant les années 1980 grâce à la politique des zones d’éducation prioritaires (ZEP). Il est à craindre que les nouveaux assouplissements mis en place n’aillent pas dans ce sens et conduisent à une ghettoïsation encore accrue.
Beaucoup d’ouvrages ont traité ou traitent de la carte scolaire. Parmi les plus récents, l’un d’eux (BEN AYED, C., Carte scolaire et Marché scolaire, Nantes, Editions du temps, 2009) présente notamment l’avantage de proposer des solutions concernant ces territoires particulièrement délaissés voire abandonnés. Citons-en quelques courts extraits : 
     Une politique ambitieuse de requalification de la scolarité dans ces territoires ne peut faire l’économie d’une stabilisation des équipes à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique. Elle ne peut pas non plus faire l’impasse sur la question de la formation des enseignants, en particulier sur la conception de dispositifs de sensibilisation à l’enseignement en « milieu difficile »… La requalification des écoles situées dans les quartiers urbains relégués supposerait également des apports supplémentaires en moyens d’enseignement, afin que l’éducation prioritaire ne soit plus un leurre… Une amélioration des conditions de scolarisation ne peut néanmoins découler mécaniquement de l’adjonction de moyens supplémentaires, elle suppose également des avancées significatives dans la prise en charge des élèves hors et dans le temps scolaire. Ceci suppose un engagement conjoint des associations complémentaires de l’école qui contribuent à tisser du lien social dans les quartiers et à soutenir également les élèves en difficulté ainsi que leurs familles. Op. cité, p. 133.
Bref, tout faire pour combattre l’échec scolaire avant même qu’il ne s’installe. Nous en sommes loin.

Gabriel LANGOUET

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